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Quel héritage historique pour le nouveau quartier de Saint-Vincent de Paul ?

Parmi les quelques acquis du projet de réaménagement urbain du site de l’hôpital Saint-Vincent de Paul, figure la conservation des éléments architecturaux les plus anciens donnant sur l’avenue Denfert-Rochereau : le pavillon Robin et celui de l’Oratoire. Cette « bienveillance patrimoniale » annoncée va forcément contribuer à définir le périmètre de mémoire de ce site pluriséculaire. Autrement dit, lui donner du sens, dans ce qu’elle va en détruire comme de ce qu’elle va en garder.

Le véritable enjeu culturel de ce quadrilatère de 60.000m² réside dans l’un de ses recoins : le pavillon de l’Oratoire n’est pas uniquement un bel édifice ancien (élevé en 1657), il a été le témoin de deux siècles au cours desquels le regard des Parisiens à l’égard de leurs enfants a fortement évolué. Son ancienne chapelle possède l’un des pieds maculé du vestige du « tour d’abandon » de l’Hospice des enfants-trouvés, rappelant qu’au début du XIXème siècle, Paris y expédiait près d’un cinquième des enfants qui naissaient.

Berceau de la pédiatrie (l’hôpital pour enfant est une excroissance de l’infirmerie de l’hospice), la chapelle dégage aussi le parfum triste des institutions sociales anciennes de prise en charge collective, dont les ressorts étaient autant charitables, démographiques que policiers. Les circonstances du déménagement du centre d’accueil Saint-Vincent de Paul (partie du site dépendant de l’aide sociale à l’enfance) en janvier 2014 à la Porte des Lilas, présumait des difficultés à assumer cet héritage ambivalent : le Conseil de Paris (sans l’avis des personnels et administrateurs du centre) décidait le changement de son nom ; le départ de l’établissement (unanimement désiré) après deux siècle ininterrompus d’évolutions des soins de l’enfance, n’a pas même fait l’objet d’un évènement. Anciens du personnel, pupilles et amateurs d’histoire, tous cherchant à faire valoir l’intérêt culturel de l’institution, se sont donc réunis dans l’association Mémoires du centre d’accueil Saint-Vincent de Paul, qui a présenté du 19 au 30 janvier 2015 une exposition sur le sujet à la mairie du 14eme arrondissement.

 

Au-delà du drame social ou de la sévérité des conceptions anciennes à l’égard des orphelins, se pencher sur l’histoire de la prise en charge de ces enfants (qu’ils soient trouvés ou nés sous X), c’est regarder comment chaque époque a projeté sur sa progéniture délaissée des ambitions de réintégration et de progrès humain. Née de la Charité, traversée par l’idéal révolutionnaire puis remodelée durablement par Napoléon, l’institution de l’avenue Denfert-Rochereau reflète la succession des régimes politiques qui accompagnent, soulagent et encadrent ce Peuple de Paris depuis 1814.

De cette facette cachée de l’histoire de la ville, il faut en parler pour mettre ce XIXe siècle tenace au rang du passé entendu, voire pardonné. La mise en valeur de ce patrimoine se doit cependant de dépasser le cadre du futur écoquartier. C’est aussi une manière de ne pas s’y imposer. En d’autres termes, il ne s’agit pas de rappeler aux futurs résidents du lotissement où se trouvait l’étable de l’ânesse ni l’amphithéâtre de dissection : l’enjeu patrimonial dépasse le simple cadre d’un hôpital pour enfant. Il pourrait réconcilier Paris avec son histoire sociale. A l’heure où le musée de l’Assistance Publique n’entrevoit pas sa réouverture et prenant en exemple les villes de Londres ou de Florence qui, avec succès, ont fait de leurs orphelinats des musées, la réaffectation de la chapelle en un lieu culturel apparaît comme une ambition réaliste, toute aussi bénéfique au quartier qu’à la Ville de Paris.

Le président de l’Association Mémoires du centre d’accueil Saint-Vincent de Paul,

Guillaume Normand.

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