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Histoire du lieu

Situé dans le quadrilatère de l’ancien hôpital
Saint-Vincent de Paul à Paris, dans le 14e arrondissement, le centre consacré au recueil d’urgence des enfants a fermé en janvier 2014 après deux siècles continus de fonctionnement. 

copyright Laura Bonnefous

Ancien Hospice des enfants-trouvés, l’institution a été le témoin de l’évolution des comportements sociaux et des formes de prise de l’enfance démunie, elle est aussi le berceau de la pédiatrie et la scène des ambitions françaises de réintégration de l’enfance orpheline.​

L'HOSPICE DES ENFANTS-TROUVES

 

L’institution des Enfants-trouvés est fondée en 1638 sur le parvis de l’église Notre-Dame par Saint-Vincent de Paul, première voix interpellant sur le sort tragique des enfants abandonnés de Paris. C’est en 1942 que le centre reçoit le nom du saint qui avait présidé à sa création.

 

Après la mort de Saint-Vincent de Paul, l’œuvre charitable bascule parmi les institutions municipales.

 

En 1814, elle est installée sur le site de l’Oratoire. La période Napoléonienne conditionne pour le siècle suivant la physionomie du dispositif de prise en charge des enfants, qui repose tant sur des motivations charitables, démographiques que policières. Le fait de vouer les orphelins à des professions agricoles traduit la volonté de contrecarrer l’exode rural. 

 

Fruits du péché et portant le « vice » de leurs parents immoraux, au début du XIXe siècle, les enfants orphelins sont alors associés aux désordres sociaux comme la criminalité, la mendicité ou la prostitution. La Révolution en avait pourtant fait des victimes de la misère et du malheur.

 

Le décret impérial de 1811 qui codifie la prise en charge des enfants-trouvés ne sera pas abrogé par les différents régimes politiques qui se succèdent au XIXe siècle. Il faudra attendre 1904 et la Loi Roussel créant les Pupilles de l’État pour que la IIIe République fasse d’eux un des piliers de son ambition (accès aux études supérieures, promotion sociale). 

 

L’empreinte religieuse de l’institution est réaffirmée dès 1801 avec la présence de l’Ordre des Filles de la Charité de Saint-Vincent de Paul à l’hospice. Le rôle des Sœurs, tant administratif, logistique que social en fait des actrices importantes du fonctionnement du centre jusqu’au début du XXe siècle.  

 

 

 

L'ENFANCE ABANDONNEE A PARIS
 

Au XIXe siècle, l’abandon d’enfants devient un véritable problème de société : l’hospice des Enfants-trouvés recueille plus de 5 467 enfants en 1817, alors qu’on ne compte que 25 000 naissances à Paris. C’est à partir du début du XXe siècle que le phénomène régresse, la nature des admissions au centre variant en fonction des lois de protection de l’enfance. 

 

Paris devient une ville de production et les structures traditionnelles d’entraide sont mises à mal par l’exode rural. Les métiers du linge et ceux de la domesticité sont soumis à une forte concurrence et ne permettent pas à un couple et encore moins à une femme seule, d’élever un enfant. L’imperfection des pratiques contraceptives, l’infériorité civile des femmes ainsi que la baisse progressive de la mortalité infantile participent aussi du phénomène de l’abandon.

 

Dès 1836, des allocations peuvent être accordées pour secourir les « filles-mères ». Le calcul de l’âge moyen des abandonneurs (26 ans au début du XIXe siècle, ce qui correspond aussi à l’âge du mariage) révèle pourtant que l’abandon concerne beaucoup les couples mariés ou fiancés. 

 

A partir des années 1960, la pauvreté n’est plus le facteur principal d’une admission : violences conjugales, troubles médico-psychologiques ou problèmes de santé de l’enfant expliquent l’essentiel des situations. Les mesures de protection reposent en grande partie sur les décisions des juges des enfants.

Fernand Pelez

Archives de Paris

LES FORMES DE L'ABANDON

 

 

Considérant l’abandon comme un mal pluriséculaire qu’il faut encadrer, Napoléon impose en 1811 les tours d’abandon ou tourniquets, garantissant la  clandestinité des abandonneurs pour éviter avortements ou infanticides.

 

Le tour d’abandon cristallise les débats sur le rôle de l’Assistance, installé tardivement et temporairement à Paris, il est interdit en 1860.

 

« … une ingénieuse invention de la charité chrétienne, ayant des mains pour recevoir, mais pas d’yeux pour voir, ni de bouche pour parler »

Lamartine, Séances de la Chambre - 1839

 

« ils portent un préjudice très grave à la morale publique, puisqu’ils persuadent les mères qu’elles sont libres de s’affranchir des devoirs de la maternité »

Victor Paul , Réflexions sur les enfants trouvés, 1844

 

« Ce tourniquet représente parfaitement une boîte  aux lettres. Il est vrai qu’une mère y jette son enfant à peu près comme un billet doux à la poste, avec cette nuance que le billet doux entame l’intrigue, et que l’enfant la dénoue ».

André Delrieu, 1830.

 

Des Parisiens, à l’inverse, affirment leur parenté avec les signes de reconnaissance laissés sur les enfants, témoignant d’une réelle affection à l’égard de l’abandonné. 

 

L’administration fera beaucoup pour empêcher la récupération gratuite des enfants (utilisation de surnoms, lieu de placement confidentiel) : le secret des origines a longtemps été considéré comme le meilleur moyen de garantir un nouveau départ aux pupilles. Pour ces derniers, la recherche de la parentalité n’apparaît pas avant les années 1920.

 

 

 

EVOLUTION DES PRISES EN CHARGE
 

Jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’enfant ne bénéficie pas d’une médecine particulière. L’Hospice des enfants-trouvés, confronté à une mortalité effrayante va activement participer à la naissance de la pédiatrie : son infirmerie va s’accroître jusqu’à devenir un hôpital à part entière.

 

Ce n'est qu'en 1907 que le taux de mortalité des pupilles devient similaire au taux de mortalité moyen national (14%), alors qu'il atteignait celui de 89 % en 1815. Circonstances de l’abandon, prise en charge collective favorisant les maladies, changement répété des placements et mauvaises pratiques de puériculture expliquent largement l’hécatombe du XIXe siècle.   

 

Sous l’influence du médecin chef de l’hospice Marie-Jules Parrot, premier titulaire de la chaire de clinique des maladies de l’enfance, des consultations médicales sont ouvertes au public extérieur en 1879. Puis en 1934 les services médicaux sont suffisamment importants pour que l’établissement des Enfants-assistés devienne un hôpital-hospice doté d’une maternité. 

 

Le trayon de l’ânesse va se révéler le plus adapté à la tétée des enfants soupçonnés d’être atteints de syphilis. La peur pour les nourrices d’être contaminées pousse à la diversification des approvisionnements en lait : une étable était entretenue en permanence sur le site. 

LA 1ERE GUERRE MONDIALE ET SES CONSEQUENCES
 

La Première guerre mondiale implique aussi l’effort du centre d’accueil qui doit répondre à un afflux d’enfants dont les pères sont mobilisés et les mères dans l’obligation de travailler. Il subit aussi la désorganisation de ses agences de placement situées dans les régions occupées. Les conséquences du conflit sur la société française remettent à plat l’organisation du dispositif.

 

Redoutant le spectre d’un nouveau siège de Paris, 800 enfants sont transférés en 1914  dans le centre de la France. Si l’évacuation des régions occupées s’est passé sans encombre pour les Pupilles de l’État (terme qui succède aux enfants assistés depuis 1904),  le monument aux morts rappelle qu’en 1915, ils sont 6000 mobilisés sur les 50.000 enfants de l’Assistance publique du Département de la Seine. La tutelle administrative ne s’arrêtait alors qu’à leur 21e année.

En 1917, sont créés les Pupilles de la Nation, bénéficiant d’aides du Ministère de l’Instruction ; il sera pris soin de les différencier des Pupilles de l’État (terme succédant à celui d’enfants-assistés en 1904).

 

Parmi les conséquences sociales de la guerre, l’accès des femmes à l’emploi engendre la disparition des nourrices de campagne qui nourrissaient les enfants. L’allaitement artificiel se généralise. 

 

 

 

 

Aurélien Gillier

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